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FRANCE.

La Seine a 776 kilomètres ; elle en aurait 825 si la Marne était la branche mère. Sept millions d’hommes vivent dans son bassin.

Ses premières fontaines jaillissent par 471 mètres d’altitude, à une trentaine de kilomètres en ligne droite au nord-ouest de Dijon, dans un vallon calcaire de la Côte d’Or, près de Saint-Germain-la-Feuille, et non loin du long tunnel de Blaisy (4 100 mètres) qui mène le chemin de fer de Paris à Marseille du bassin de la Seine dans celui de la Saône.

Jadis les fontaines étaient des lieux augustes. Un temple romain consacrait les premiers balbutiements de la Seine ; aujourd’hui c’est une statue élevée par la Ville de Paris, une nymphe appuyée sur l’urne qui, chez les anciens, symbolisait l’onde intarissable. Mais ici, l’urne peut mentir, car les six pauvres sources du fleuve craignent les chaleurs, et il arrive parfois que l’été les hume entièrement.

Ce chétif ruisseau a grand peine à devenir rivière ; l’oolithe lui verse de belles douix[1], mais cette roche décousue boit la Seine à mesure : tellement qu’en certains étés il n’y a plus d’eau dans son lit aux approches de Châtillon. Mais là même, d’une grotte, sort une douix supérieure aux autres, onde éternelle, rivière pure de 5 à 6 mètres de large au-dessous de laquelle on n’a jamais vu sécher le fleuve de Paris.

Près de passer des calcaires de la Bourgogne aux craies de la Champagne, à Bar, le fleuve n’est plus qu’à 162 mètres d’altitude ; à Troyes il est à 104. Il passe devant Romilly, devant Nogent, devant Montereau, puis, grossi de l’Aube et de l’Yonne, serpente entre le plateau de la Brie, mer de moissons, et les coteaux de grès ombragés par la forêt qui tire son nom de Fontainebleau, ville sise à trois kilomètres de la rive gauche de la Seine, à côté

  1. C’est le nom qu’on donne dans cette partie de la Bourgogne aux fontaines très abondantes.