Page:Reclus - France, Algérie et colonies, 1886.djvu/160

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
157
FRANCE.

commerce de la nation. L’estuaire où la Seine se mêle à la Manche a 10 kilomètres de largeur.




II. LA SEINE


1o La Seine. Paris. — La Seine est verte, elle est claire, elle est gaie, elle a de charmants détours, elle réfléchit des châteaux et des parcs ; et, comme elle passe dans la ville du plaisir, de la jeunesse et des arts, des millions d’hommes l’adorent ou l’ont adorée, car elle a vu couler les plus beaux de leurs jours.

Mais elle est indigne de Paris : à la première cité du monde on voudrait un fleuve sans rival.

Certes, on peut la dire grande, quand on la compare à la Senne de Bruxelles, à la grenouillère de Berlin qui a nom la Sprée, au Manzanarès de Madrid, où le vent ne raie que des sables quand le printemps a léché les dernières neiges de la sierra de Guadarrama. Mais, dans notre toute petite Europe, qui oserait seulement nommer la Seine de Paris à côté de la Néva de Saint-Pétersbourg, du Danube de Vienne, du Bosphore de Constantinople ou du Tage de Lisbonne ? Devant les palais du tsar, la Néva bleue est comme un Saint-Laurent ; à Vienne, le Danube, encore germain et tout prêt d’être hongrois, a déjà reçu des rivières supérieures à la Seine ; de Stamboul à Scutari, le Bosphore est une mer qui coule entre deux parties du monde ; et, au pied des collines qu’escalade la « Ville d’Ulysse », le Tage est immense : il porterait dix fois tous les navires, tous les bateaux de pêche, tous les canots du Portugal et des îles.

La Seine devant Paris n’est rien ; la Seine maritime a seule quelque grandeur.