senteurs de la mer, autour de l’hôpital que Paris vient de bâtir ici pour ses enfants scrofuleux. Beaucoup de ces innocents tiennent leur mal de pères hébétés par le cabaret et la tabagie ; c’est à la nature libre, à ses vertus, à son baume, à ses brises, de reverdir ce que la ville dorée, mais impure et fétide, a flétri. On a projeté de verser l’Authie dans la baie de la Somme, espérant que cet accroissement donnerait au fleuve assez de force pour se tailler un lit régulier dans les sables de son embouchure : d’ailleurs l’Authie, selon toute vraisemblance, s’unissait autrefois à la Somme, quand ce fleuve, remontant vers le nord, coulait dans les alluvions du Marquenterre ; son ancien lit, dit-on, est encore visible.
Au midi de l’Authie, au nord de la Somme, on appelle Marquenterre une alluvion d’environ 20 000 hectares gardée par des digues, à l’abri des dunes de Saint-Quentin-en-Tourmont. Il y a dix siècles, la mer, dans ses marées les plus hautes, y flottait encore autour des îles de craie d’un golfe qui recevait la Somme et l’Authie ; alors Rue était un port de la mer et non pas comme aujourd’hui la riveraine d’une lente rivière, la Maye, à 10 kilomètres du littoral. À force de canaux, de digues cimentant les îlots aux îlots, la boue liquide, indécise d’abord entre ses deux éléments, se tassa en sol ferme. Des atterrissements nouveaux augmentent tous les jours ces tourbeux et quelque peu fiévreux polders, dont le nom semble être la corruption de mare in terrâ, la mer en ferre.
Dans la baie de la Somme, la marée basse découvre de grandes plaines de galets et de sables, et de vastes mollières ou prés salés. La Somme est d’une mansuétude extrême : à l’étiage, les abondantes fontaines de son bassin versent près de 20 mètres cubes d’eau par seconde à ce fleuve qui serpente entre des collines de craie, à l’ombre des saules, des peupliers, des trembles, dans un val plein de flaques d’eau entre les lèvres noires des trous laissés par l’extraction de la tourbe, cette terre qui