Page:Reclus - France, Algérie et colonies, 1886.djvu/149

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
146
GÉOGRAPHIE.

nous voyons mille noms de rivières, il n’y en a peut-être pas vingt.

De sa source à Saint-Omer, l’Aa serpente en un étroit vallon ; à Saint-Omer, il devient un canal à longues lignes, perdu dans de larges plaines fertiles, mais quelque peu malsalubres. Ces plaines furent un golfe de la mer, puis un marais, et ne demanderaient qu’à redevenir marécages faute de soins contre l’eau courante, ou même golfe de la mer du Nord en l’absence de levées contre les flots salés. Mais les Flamands, ces cousins des Hollandais, ont élevé tant de digues, creusé tant de watergands ou fossés qu’ils ont arraché le pays des Watteringues à l’eau croupissante ; et toujours le marais recule au lieu d’avancer.

La baie que ces sages travaux ravirent à l’Océan et qu’ils défendent incessamment contre lui, avait environ 80 000 hectares. Aujourd’hui qu’elle n’existe plus par l’artifice de l’homme (sans les digues les hautes marées d’équinoxe la couvriraient encore, et en cas de guerre on mettrait tout le pays sous l’eau), on peut lui donner un nom rétrospectif : Baie de Flandre, ou golfe de Saint-Omer, de la ville qui fut bâtie à 33 kilomètres à vol d’oiseau du présent rivage, au bord d’un lac salé communiquant avec ledit golfe par le détroit de Watten. C’est à partir du septième siècle qu’on commença d’exonder le pays, autour d’îles basses, à l’abri du cordon des dunes littorales. À l’est de Dunkerque, sur la frontière belge, et aussi en Belgique, des polders[1] également inférieurs au niveau marin s’appellent les Moëres.

Le Pas de Calais, où voguent par an plus de 200 000 navires, ouvre une route entre la mer du Nord et la Manche. Il tire son nom de la ville de Calais, port d’où les bateaux à vapeur vont à Douvres, ville d’Angleterre, en une heure et demie, et quelquefois en une

  1. Ce mot de polder, terme hollandais et flamand devenu français, veut dire marais desséché.