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FRANCE.

Montagne Noire ; elle se termine en vue de là baie de Douarnenez par le Méné-Hom : ou Mont-de-l’Auge (330 mètres) qui a trois humbles cimes pierreuses, vêtues de bruyères et de genêts épineux. Ainsi les monts bretons ne sont que des collines, mais la Bretagne n’est pas triviale.

C’est le pays des granits, des bruyères, des chênes, des haies odorantes, des genêts fleuris, des champs de blé noir à la tige rouge, à la fleur blanche, la dure Armorique embrassée par l’Océan, comme le dit son nom breton Armor, la Mer. C’est la terre pâle, austère, osseuse, humide, intime et calme dans ses vallons, violente, bruyante, obscure, orageuse, infernale au bord des flots qui l’assiègent. Sans soleil elle a la beauté, sans montagnes elle a la grandeur, sans névés elle a mille torrents. Et la vague marine s’y apaise en lacs dans les fiords qui, de la Manche ou de l’Atlantique, vont laver les granits bretons, à travers le littoral engraissé de plantes marines auquel ses jaunes moissons ont mérité le nom de la Ceinture d’Or.

C’est la patrie des hommes du devoir, des capitaines qui meurent au feu, des marins qui meurent à la mer : tel bourg de cette côte a deux cimetières, l’enclos béni pour les Bretonnes, l’Océan pour les Bretons. Nulle province n’a tant fait pour l’honneur de la France, en France et à tous les carrefours du monde.

O Breiz-izel ! O kaéra brô !
Coat enn hé c’hreiz, môr enn he zrô !

Ô Bretagne ! Ô très beau pays, bois au milieu, mer à l’entour !

Ainsi dit le poète armoricain dans la langue que la moitié, sinon les deux tiers des Bretons ont quittée pour le français ; et pourtant, cet idiome, vieux de plusieurs mille ans, est plein de chansons d’amour, de bal-