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GÉOGRAPHIE.

tèrent jadis une onde salée, qui s’agitait entre l’Atlantique et la Méditerranée. Le Caucase sépare l’Europe de l’Asie, avec de hautes entailles et, au bord de chacune de ses deux mers, un profond abaissement dont usent ou dont useront les routes et les chemins de fer ; les Pyrénées, dont les ports sont très élevés, ont à l’ouest un passage pour la voie de Paris à Madrid, un autre à l’est pour celle de Paris à Valence, et leur mur sépare la France, qui est tout Europe, de l’Espagne à demi-africaine par son climat et par les origines de sa race.

Les Pyrénées ? D’où vient ce nom sonore ? On ne sait. Il ne dérive certainement pas du mot grec πῦρ, le feu, comme les étymologistes de jadis auraient voulu le faire croire. Eussent-elles des volcans fumants comme la Sicile, des Champs Phlégréens comme Naples, des jets de flamme comme le pied du Caucase, elles ne furent point parées d’un nom grec par les Hellénes qui visitèrent les premiers ces monts plus hauts que leurs Olympes, aventuriers, marchands, voyageurs de commerce, chercheurs de mines, touristes venus de Marseille ou des ports méditerranéens de l’Espagne ; ils l’appelèrent comme ils l’entendirent appeler dans la langue du pays par un peuple qui sans doute avait hérité ou sous-hérité de ce nom : car il arrive souvent que les mots restent quand les nations passent. Et ce nom indigène, déjà vieux peut-être comme dix générations de chênes ou de sapins, les Grecs nous le transmirent suivant les lois d’euphonie de leur beau langage. Le terme de Pyrénées ne serait-il pas le frère du mot immémorialement ancien de biren ou piren qui, dans la bouche des paysans de l’Ariège, désignait autrefois les pâtures des cimes, par opposition aux prairies des vallées ?

Les Pyrénées, beaucoup moins vastes que les Alpes, et d’un tiers moins élevées, sont de trois degrés en moyenne plus chaudes à hauteurs égales ; aussi n’ont-elles guère que 4 500 hectares de glace éternelle, tandis qu’il y en a près de 210 000 dans les seules Alpes de la Suisse.