Nous ignorons si ce fut volontairement, ou contraint par les circonstances, qu’Élisée quitta l’Irlande et abandonna l’œuvre si courageusement entreprise, pour passer en Amérique. Mais nous inclinons à croire qu’il voulait au contraire ouvrir un champ plus vaste à ses projets agricoles en allant chercher quelque terre vierge à féconder par le travail, en une libre association avec son frère et quelques amis. Il voulait en même temps connaître le monde pour pouvoir le décrire. Cela du moins, nous le savons par la préface de sa première édition de La Terre que nous reproduisons ici en partie :
« Le livre qui paraît aujourd’hui (1er novembre 1867), je l’ai commencé, il y a bientôt quinze années, non dans le silence du cabinet, mais dans la libre nature. C’était en Irlande ; au sommet d’un tertre qui commande les rapides du Shannon, ses îlots tremblant sous la pression des eaux et le noir défilé d’arbres dans lequel le fleuve s’engouffre et disparaît après un brusque détour. Étendu sur l’herbe, à côté d’un débris de muraille qui fut autrefois un débris de château-fort et que les humbles plantes ont démoli pierre à pierre, je jouissais doucement de cette immense vie des choses, qui se manifestait par le jeu de la lumière et des ombres, par le frémissement des arbres et le murmure de l’eau brisée contre les rocs. C’est là, dans ce site gracieux que naquit en moi l’idée de raconter les phénomènes de la Terre