du matin ou à la tiédeur du soir, quels incidents imprévus lorsqu’on décidait de traverser une rivière à la nage, portant les vêtements roulés sur la tête, en forme de turban, ou lorsqu’on abandonnait les chemins battus pour escalader directement les rochers, en contournant les villes : telle nuit passée dans la montagne, dans la plaine, sur un lit de fougères ou sur un tas d’herbes sèches, au bord d’une eau courante, ne fut jamais oubliée, et même les sommeils paisibles, interrompus par le vent ou la pluie, laissèrent d’agréables souvenirs, embellis de jeunesse et de gaieté. Enfin, après vingt et un jours de marche, nous arrivions à Montauban, où des amis nous ravitaillaient de force et, quelques jours après, nous étions à Orthez, auprès des parents.
La famille se trouvait alors en un triste désarroi : une sœurette que tous s’accordaient à dire une enfant vraiment parfaite de beauté, de grâce et d’intelligence, la délicieuse petite Anna venait de mourir après une courte maladie. Puis à ce deuil intime vint s’en mêler un autre, plus profond encore pour la partie jeune de la famille, le deuil de la République. Sans doute, c’était là un événement inévitable : il eût été chimérique d’espérer que la France et, avec elle, l’Europe occidentale, pussent, de par la volonté de quelques minorités généreuses, maintenir une forme politique ayant pour idéal l’égalité, alors que, partout, la masse des nations, assouplie à la servitude, clamait pour avoir un maître ; les Français notamment avaient encore à payer à l’Europe la cote de leurs victoires et conquêtes na-