Les cours sont terminés ici, mais je ne sais quand M. d’Orlich viendra pour me relayer, aussi ne m’attendez pas à époque fixe ; supposez que je vienne dans un ou deux mois et ne vous en tenez à aucune date précise ; en tous cas, j’ai la ferme espérance de vous voir et de rester quelque temps avec vous. Ce que nous deviendrons plus tard est l’affaire du bon Dieu et il ne permettra pas au mauvais ange de nous toucher. Quant à ce qui est du mariage, c’est là une question bien délicate que nous pourrions traiter tout au long, mais je ne suis nullement pressé ; je ne veux pas m’exciter moi-même pour trouver femme, j’attendrai patiemment l’amour sans vouloir le produire d’une manière galvanique.
Je quitterai Berlin presque avec regret, mais c’est une ville pour laquelle j’ai trop d’affection pour ne pas espérer d’y revenir tôt ou tard, les chemins de fer aidant. J’y ai été reçu avec affection et sympathie par ceux mêmes qui ne me connaissaient pas ; j’ai trouvé des amis vrais là où j’espérais à peine trouver des connaissances et, moi-même, j’ai été en retard d’affection, ne pouvant croire qu’on m’aimât si vite avec sincérité. On ne veut pas croire à l’amour, on se refuse longtemps à reconnaître cette supériorité dans autrui, mais enfin il faut bien céder et admettre celui qui vous aime dans l’intimité de vos pensées. Je tiendrai aussi à revoir plus tard mon élève ; il est aujourd’hui tant soit peu vaniteux, en vrai noble allemand, et je voudrais savoir à quel point les circonstances et son oncle auront influé sur lui.
Ma santé est excellente, chère mère. Qu’il en soit ainsi de la tienne !