peut-être bien des traits inexacts, bien des linéaments étrangers. En tout cas, si, par suite de l’éloignement, vous jugez mal mon esprit, vous ne jugerez point mal mon cœur, et vous saurez toujours que je vous aime, que je suis votre fils et votre fils bien aimant.
Je vais donc vous parler de moi, entrer à mon égard dans les détails les plus minimes, non par égoïsme, mais par amour, car en cela je vous ferai plaisir. Je vous ai dit, je crois, que je remplissais un intérim dans la seconde chambre laissée vacante par le départ d’un Suisse, M. Borrel. J’ai rempli cet intérim pendant à peu près six semaines, et, depuis quelques jours seulement, je suis entré dans la quatrième chambre, qui, à proprement parler, m’a toujours été destinée. J’ai quitté la deuxième chambre à regret, car je m’étais déjà affectionné aux enfants et je m’entendais parfaitement avec mon co-professeur ; puis il est plus facile pour un jeune homme de connaître les jeunes gens et de les diriger que de conduire une troupe de petits enfants ; il faut redevenir enfant soi-même pour bien les connaître et les instruire, mais je suis loin d’en être là ; c’est ainsi qu’il est difficile à un jeune homme d’être simple et naturel : son être tout entier est encore dans la période d’élan ; il veut apprendre, il faut que son lendemain dépasse toujours les limites du jour précédent, il est dans la période d’action, et redescendre lui serait difficile ; mais la plupart du temps, en apprenant, il oublie ; sa riche jeunesse lui fait oublier les impressions de son enfance et il faut que l’âge aride vienne passer son niveau sur son âme inassouvie, il faut que ses forces exubérantes s’affaiblissent peu à peu pour qu’il se rattache à son passé presqu’évanoui, pour qu’il rappelle