uns, heureusement pour les autres, Blondin se promenait aussi sur sa corde, portait des sacs, poussait des brouettes et faisait des tours de force indignes d’un homme. En prévision de l’Exposition, on a considérablement rafistolé le Palais de Cristal depuis l’année dernière : toutes les collections sont complétées, de nouvelles galeries sont ouvertes, on s’est mis en frais pour recevoir les étrangers. Le palais, ses jardins et l’ensemble du paysage représentaient assez bien une scène des Îles Fortunées, telles que peuvent les rêver les peintres. La soirée s’est terminée par une course comique à la recherche d’un dîner : pour l’atteindre, il nous a fallu monter en chemin de fer. Morin, torturé par la faim, offrait un spectacle lamentable à voir.
Aujourd’hui l’Exposition. Une foule à étourdir, à ahurir, à abêtir. Tohu bohu de statues, de dentelles, de bustes, d’assiettes, de terres, de cartes géographiques et de couteaux. Poussière dans les salles, odeur de l’huile et du charbon dans l’annexe des machines, parfums de lard et de beurre rance dans les restaurants, rien n’y manquait. En outre, j’ai dû passer la moitié de la journée à raccrocher Morin qui se perdait toujours. Mais ce que nous avons vu de l’exposition est vraiment admirable. La France a certainement la palme du goût et l’Autriche celle de la science. Les innombrables, cartes, les plans, les reliefs, les travaux d’anatomie, de physiologie, de géologie envoyés par les savants de Prague et de Vienne demanderaient de longues semaines d’étude, et c’est à peine si j’ai pu les voir en passant : je ne me faisais aucune idée d’un tel mouvement scientifique en Autriche. À côté d’elle, les autres nations s’exposent à se faire juger comme tout à fait infécondes dans la grande œuvre du mouvement intellectuel.