qui me frappe cependant dans les trois gigantesques sœurs, ce n’est pas tant la hardiesse de leurs cimes et de leurs rochers ni l’immense entassement de leurs glaces, mais c’est plutôt leur grâce impossible à décrire, leur merveilleuse coquetterie. Avec quel charme n’ont-elles pas jeté leurs draperies et leurs guirlandes de neiges, avec quelle suavité leurs rochers, hauts de cinq cents mètres, ne se soulèvent-ils pas hors de l’étendue blanche, pour faire briller leurs têtes roses à la lumière du soleil ! Le tout est animé d’un mouvement rythmique comme les flots de la mer : on s’attend presque à voir s’agiter de nouveau ces énormes vagues comme aux jours où elles roulaient sur la terre en fusion. De temps en temps, d’énormes blocs se détachent du glacier, se brisent en bas sur les rochers et se transforment en un vaste nuage de poussière neigeuse. Ce nuage est presque dissipé quand on entend tout à coup la formidable voix de l’avalanche, semblable à celle de la foudre, non seulement par les échos et par les roulements lointains mais aussi par les déchirements de l’air secs et stridents. En entendant cette voix, il est difficile de ne pas se dire que c’est la montagne elle-même qui hurle et gronde ainsi. C’est bien beau. Ne me considérez-vous pas comme traître à l’amitié de voir toutes ces choses, tandis que vous, mes bien aimés, restez à Paris ? D’après la teneur de votre dernière lettre, je n’ose pas même être sûr que le rêve de la forêt de Sénart se soit réalisé.
La mendicité des Bernois dépasse la limite du croyable. Derrière chaque rocher, au coin de chaque bois, des gaillards herculéens apparaissent tout à coup et, dans leur charabia trilingue, veulent s’imposer comme guides : on les prendrait plutôt pour des bandits.