pays ravagés par la guerre franco-allemande. On les haïssait comme Français : « damned Frenchmen », « french frogs » ou « froggies », « die französischen Schweinigel », tout cela agrémenté à l’occasion de taloches et de horions. Les camarades anglais donnaient des coups de poing, les camarades allemands des coups de pied et, vu qu’il s’agissait ici d’un cas de guerre, de cette lutte héréditaire, immortelle, qui sévit contre les Français, contre les Welches, on suivait les lois de la guerre, et tous s’unissaient contre eux, sous les yeux des professeurs enchantés, qui veillaient pourtant à ce qu’il n’y eût pas de membre cassé. Puis à ces petits « Waterloo », — car c’est ainsi que s’appelaient ces beaux exploits, — succédaient d’autres pratiques, héritées du moyen-âge ecclésiastique. On les mettait au « ban » du collège : interdiction de les regarder, de leur parler, de les voir, de savoir même qu’ils existaient.
Ainsi alternaient la bataille et la mort officielle. Ce fut la période d’initiation, et cette dure épreuve, stoïquement subie, ne manqua pas d’avoir ses avantages. Les victimes apprirent à souffrir sans se plaindre et même avec une sorte de joie ; car, après tout, le crime d’être né au bord de la Dordogne leur semblait plutôt une faveur du sort : en outre, recevoir les coups leur avait appris à les rendre et, grâce à leur bonne nature, à les rendre sans rancune. Peu à peu, les amitiés furent de plus en plus durables, puis les coups furent remplacés par des échanges de paroles, les conflits patriotiques par les discussions d’histoire. »