Arrivé à Neuwied, Élisée se mit donc résolument au travail. En peu de semaines, il apprit assez d’allemand pour assister aux classes. Il était doué d’une étonnante imagination qui n’avait d’égale que sa promptitude à s’assimiler le sens des leçons dont lui et son frère poursuivaient les développements avant même que le professeur les eût déduits des principes. « Ils saisissaient le rythme, devinaient le sens des vers, s’essayaient à exprimer leur pensée sous une forme compréhensible, même correcte. La différence subtile du mort germanique et du mot français correspondant leur fut révélée, et ils comprenaient autant et mieux que leurs condisciples allemands le fond même de la langue et en découvraient le mystère. En ce travail incessant, amenant chaque jour sa précieuse découverte, ils furent puissamment aidés, quoique d’une manière inconsciente, par les camarades hollandais et anglais qui formaient la grande majorité des élèves et se servaient entre eux de leurs idiomes respectifs. C’est ainsi qu’ils apprirent à reconnaître dans chaque vocable les transitions de langue à langue.
Les jeunes gens de diverses nationalités avec lesquels ils avaient à travailler, à converser, à se bousculer chaque jour, leur rendirent un autre service inconscient, plus éminent encore ; ils précisèrent leur personnalité. À cette époque, trente ans ne s’étaient pas encore écoulés depuis les guerres napoléoniennes, et les haines nationales persistaient avec une ténacité dont on ne peut se faire de nos jours aucune idée, même dans les