me remplit de joie. Je t’ai parlé aussi de journalisme : il y journal et journal, il y a le Moniteur, la Patrie et autres feuilles stipendiées ; mais il y a aussi le Journal de Géographie, le Journal Asiatique, le Journal Statistique, et mon orgueil ne souffrirait nullement d’avoir à signer des articles sur le Mississipi ou sur la Sierra Nevada. C’est justement pour avoir accès dans de semblables journaux que je me suis fait présenter chez MM. d’Orbigny, Cordier[1], Alfred Maury[2] ; malheureusement ces messieurs étaient en voyage. Si, par impossible, je pouvais entrer à la rédaction d’un journal politique, je ne serais nullement humilié : j’aurais tout simplement des dangers à courir, puisqu’il est dangereux de dire la vérité.
Reste le travail ingrat de l’employé, à supposer que je ne puisse devenir ni professeur de géographie ni sous-rédacteur d’une revue scientifique. Qu’y a-t-il donc de si vil à aligner des chiffres et à salir des paperasses ? Ces chiffres et ces paperasses servent après tout, et de plus
- ↑ Charles Dessalines d’Orbigny, 1806-1816, géologue français, écrivit avec Cordier, autre géologue, la « Description des roches composant l’écorce terrestre ».
- ↑ Alfred Maury, né à Meaux en 1817, médecin, archéologue, linguiste. Son savoir était encyclopédique : on peut en juger par le titre d’un de ses ouvrages : Histoire des grandes forêts de la Gaule et de l’ancienne France ; précédée de recherches sur les forêts de l Angleterre, de l’Allemagne et de l’Italie et de considérations sur les caractères des forêts de diverses parties du Globe. Bibliothécaire des Tuileries, professeur au Collège de France, membre de l’Académie des Inscriptions et Belles-Lettres, Maury fonda en collaboration avec d’autres savants la Société d’Ethnographie de Paris. Voir Notice nécrologique, par Élisée Reclus, Bulletin de la Société d’Ethnographie, 1892.