À Élie Reclus.
Je suis descendu de la Sierra tout exprès pour mettre cette lettre à la poste et, pour faire avec toutes les ressources de la civilisation grenadine les vingt lieues qui me séparent des montagnes, j’ai mis huit longues journées semées d’accidents tels que barques chavirées, nuits pluvieuses et passées en compagnie des moustiques sur le sable mouillé. Heureusement que la mer a beau être forte, on ne risque guère de se noyer, car les canots, tous creusés dans un tronc d’arbre plus ou moins gigantesque, suivent toujours la plage. En cas de malheur, on se jette à l’eau et on se fait balayer par les vagues sur la rive. Le pittoresque est satisfait. Il ne reste plus qu’à trembler le froid et la fièvre.
En arrivant, j’ai trouvé les deux caisses de livres que j’attendais vainement depuis quatre mois. Je les croyais perdus. Quel bien vous m’avez fait, mes chers ! Je mourais de faim et de soif. J’en étais à la troisième ou quatrième étude d’un livre d’Agassiz qui composait toute ma bibliothèque. J’avais commis la platitude