milent de plus en plus à la terre ferme. De distance en distance, le cordon littoral est interrompu par l’embouchure de quelque rivière, mais il se continue sous forme de barre, et, pourvu qu’on suive sans hésiter la ligne des brisants, on trouve toujours le chemin sûr et ferme. Dans la saison pluvieuse seulement, il peut y avoir quelque danger, alors que les marais inondés s’ouvrent des bouches provisoires dont la barre est irrégulière et incertaine. Quant à moi, j’ai trouvé ce chemin fort agréable, il reproduit en petit les rivages du golfe du Mexique, dont, à l’aide de quelques ponts, on pourrait faire le tour sur une étroite levée de sables et de galets.
C’est d’un promontoire assez rapproché de Dibulla que l’on jouit de la vue la plus imposante du massif de la Sierra Nevada. Figure-toi les Pyrénées, chère mère, se dressant à l’horizon comme une accumulation de vagues énormes, augmente leur hauteur du double, pose-leur au sommet comme une immense citadelle de neiges, et déroule à leurs pieds la vaste mer avec ses oiseaux, ses nacelles, ses vagues et son écume, et tu verras la Sierra Nevada. Jette aussi sur la mer, vis à vis de la Sierra, un promontoire de nuages long et pointu comme un fer de lance, nuages produits par les vapeurs de l’atmosphère qui se moulent sur la base des montagnes. Quand un navire passe à travers ce promontoire de nuages, même à cinquante milles en pleine mer, il est assailli par des bandes de papillons blancs qui volent au hasard comme des fleurs de neige. Je ne veux point te décrire la Sierra Nevada, car c’est une chaîne de montagnes encore presque inconnue, séjour de la fable et du mystère. Les cimes les plus élevées et le grand pic lui-même n’ont pas de noms et personne dans le pays ne connaît ceux que Humboldt