deux fois tous les dimanches, et quelquefois plus souvent encore, par la longue route blanche. Les bancs en étaient fort durs, mais le plafond était peint en bleu, semé d’étoiles d’or ; on pouvait laisser sa pensée errer au loin vers les arbres, les prairies, les ruisseaux qu’entoure le vrai ciel bleu ».
Cependant, le petit Élisée n’avait pas été emmené en Béarn lors de l’exode à Orthez : il fut envoyé à Laroche, petite ville de la Dordogne, où le grand’père était percepteur. Quand on interrogeait Élisée sur cette période de son enfance, il racontait que ces braves gens ne l’élevaient pas, mais le laissaient courir, vagabonder, s’ébattre à sa guise ; la grand’mère avait la main sèche et n’épargnait pas les taloches, quand elle découvrait un trou aux culottes ou qu’un morceau de blouse s’était accroché aux buissons. Le grand’père gifflait aussi, jurait au besoin, mais ils étaient humains. Quand l’enfant arriva à Castétarbes, à l’âge de huit ans et demi, et qu’on le punit, une première fois parce qu’il avait débauché son frère, en l’amenant voir le Gave à cinq cents mètres de distance, une seconde fois pour avoir traversé la route en allant à la découverte d’une carrière éloignée de huit cents mètres, il fut profondément étonné, se demandant pourquoi, comment il avait eu tort.
C’était donc un mal que de se promener, courir, jouer ? Les moindres détails de cette escapade lui restèrent dans le souvenir et, 45 ans après (1885), il décrivait encore les buissons qui bordaient le fossé rouge, la petite ligne d’eau reposant dans le fond.