assiégée, comme jadis Sébastopol, car dès qu’on a mis le pied sur la rive droite du Calancala, on est entré sur le territoire Goagire, et il faut aussi peu compter sur la protection du gouvernement néogrenadin que sur celle du Ras Ali de Gondar. Les sauvages ont encore leurs mœurs, leur langage, leur religion et leurs caciques, et, malgré leur douceur naturelle, gardent toujours un sentiment d’aversion profonde envers les descendants de ces Espagnols qui commettaient sur les Indiens de si abominables horreurs. Maintenant encore les navires qui viennent prendre des chargements de cuirs ou de bestiaux sur la côte des Goajires boutent toujours la gueule de leurs canons sur la plage et tirent sur les groupes à la moindre alarme.
Cependant, ces mêmes Indiens qui assiègent la ville, pour ainsi dire, l’approvisionnent aussi et, sans eux, il suffirait de quelques jours pour réduire Riohacha à la famine, ils apportent le bois de Brésil, le bois jaune, les cuirs, le dividivi pour le chargement des navires, le manioc, les plantains, les poissons, la viande, les poulets, les œufs, le bois, le charbon et jusqu’à l’eau pour l’approvisionnement journalier de la ville. Chaque matin, on les voit arriver, par longues caravanes, à travers la barre de Calacala, et je t assure qu’il est impossible de ne pas être saisi d’admiration quand on les voit passer dans leur beauté fière et sauvage, l’arc à la main, et, sur leurs longs cheveux noirs, la couronne de feuillage ou les plumes de toucan.
Mais j’oubliais de te dire ce que je fais ici. Pour remplir ma bourse qui se vide, chère mère, j’ai recommencé à courir le cachet, je donne des leçons d’anglais et de français à des jeunes gens blancs et mulâtres, car ici on ne fait point de distinction des couleurs, le maire