être que si tu étais ici, tu changerais de langage. Il est certainement plus agréable de respirer un air pur et la vapeur fraîche des torrents que les émanations surchauffées des marécages de la plaine. Ces belles montagnes avec leurs puissantes assises de granit rose, leurs roches de micaschiste, si lisses et si brillantes que de loin on les prendrait pour de gigantesques plaques d’argent, leurs forêts riches en plantes de tous les climats, depuis celui du Spitzberg jusqu’à celui de la Guyane, leurs glaciers bleus, verts ou roses selon le cours du soleil et le mouvement des nuages, toutes ces belles choses-là ne valent-elles pas la pauvre ville de Riohacha et sa plaine aride où ne poussent que des plantes à épines, cactus, acacias ou mimosas ? Et crois-tu que mon intelligence, avide de quelques bons livres, ne trouverait pas quelque aliment dans la contemplation de la nature, contemplation qui bientôt se transformerait en étude. Quant à la société, je t’assure que les Aruaques, ces Indiens encore enfants, qu’un rien étonne, qui poussent des cris d’admiration à la vue d’une allumette chimique, me plaisent mieux que les boutiquiers avides et les nègres ivrognes qui forment la population de Riohacha. Quant à mon associé, M. Chassaigne, ci-devant de Monlieu (Charente-Inférieure), il a, je dois l’avouer, quelques défauts du vieillard d’Horace, mais, quand il répète une histoire pour la cent et unième fois, je puis m’en aller ; quand il me contredit, je puis me taire, quand il gronde ton cher fils, je puis écouter patiemment. Ses petits défauts que j’ai eu le tort de remarquer ne l’empêchent pas d’être probe, généreux, intelligent, bon ami. J’avoue que je serais très fâché de me séparer de lui, d’abord parce que je lui suis dé-
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