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Seine. Ne semblait-il pas alors aux plus confiants que l’ère des révolutions de Paris était close et close à jamais. Ne devait-on pas traiter de chimériques et de fous ceux qui s’imaginaient encore que la pensée et la volonté, la ferveur du bien public, le noble élan pour la justice pourraient renaître de cette société décapitée ?

Et pourtant ces esprits entêtés de chimères étaient bien ceux qui vivaient en plein dans la vérité. Oui, les jours de carnage furent aussi les jours de renouveau. N’est-ce pas à partir de la Commune que toutes les réactions, liguées et pourtant impuissantes, ont reconnu la nécessité de concéder à la Société l’emploi d’un mot, qui en soi ne signifie absolument rien — République — mais n’en renferme pas moins un symbole essentiel de ce que deviendra la société future. Il est bien convenu désormais que les peuples ne dépendent plus de la « grâce de Dieu ». À partir de ce jour, ils ont été virtuellement séparés de l’Église, et l’État lui-même se trouve sans appui. Il était censé descendu d’en haut, imposé par une volonté divine, absolue, intangible, et voilà que c’est tout uniment une invention humaine, une machine mal agencée que nous avons fabriquée nous-mêmes et que nous pouvons maintenant démantibuler, jeter dans quelque musée des horreurs.

Même phénomène dans cette ville de Pierre-le-Grand, la cité impériale, sans tache aucune de passé révolutionnaire. Là nous venons de voir des milliers de suppliants qui s’avançaient vers le personnage qu’ils appelaient « leur Père ». Ils étaient prêts à se prosterner et à lever leurs bras comme devant un dieu ! Vous savez comment ils ont été reçus. Un membre de ce clan que le père Gapone appelle une