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AMIS & COMPAGNONS


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Quelqu’un qui touche de très près au grand humanitaire mort dernièrement a bien voulu nous confier ces pages que nous publions aujourd’hui.

Ce discours, nous écrit-on, fut écrit par Élisée Reclus en vue d’une réunion organisée par la « Société des Amis du Peuple Russe », au commencement de la lutte héroïque qui se poursuit encore pour la revendication de la terre et la libération des hommes. Quoique déjà très malade, il se rendit à Paris, heureux d’y être appelé pour témoigner de sa personne, comme il le faisait de ses écrits, en faveur de la Révolution russe.

Très souffrant, dans une salle archi-comble, et fort ému de se retrouver au milieu d’amis qui pensaient comme lui, sentaient comme lui et acclamèrent longuement l’ardent défenseur de l’humanité sans maître, sans frontière, sans patrie, il put à peine prononcer quelques paroles et tendit à l’un de ses amis, qui les lut à sa place, les pages inédites que nous offrons aujourd’hui aux lecteurs de LA TERRE dont Élisée Reclus avait salué l’apparition, demandant avec elle que « l’Homme soit libre sur la Terre libre ».

Nous publierons dans un prochain numéro la préface inédite qu’il écrivit pour l’Édition russe de son grand ouvrage en cours de publication : L’Homme et la Terre.

Des jours de deuil profond sont en même temps des jours de haut espoir. Parmi vous, enfants de Paris, la ville des Révolutions, il est certainement des vieillards qui vous rappelez la fin lugubre de la Commune, cette dernière et plus terrible semaine de la terrible année. Il y a bien longtemps de cela, plus d’un tiers de siècle, mais vous entendez encore le bruit sec des mitrailleuses, dont chacune brisait des têtes, déchirait des poitrines — trente mille têtes, trente mille poitrines — ; vous voyez encore de longs filets de sang, le plus généreux sang de France, rougissant l’eau trouble de la