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40 0/0 des eaux du fleuve, et sont tellement vastes qu’il faudrait quarante-quatre jours au Mississipi tout entier pour les remplir ; mais si on les draine, aussitôt il faudra augmenter de 5 mètres la hauteur des digues de la basse Louisiane, et le niveau des eaux du Mississipi sera à l’époque des crues de 10 à 12 mètres plus élevé que le sol des campagnes adjacentes. Tels seront les résultats du travail de l’homme dans un avenir très prochain. En endiguant le fleuve, on exhaussera son niveau et on ne lui permettra pas d’exhausser en proportion le niveau des plaines qui bordent son lit.

Une autre raison doit faire hausser d’une manière constante le lit des fleuves travailleurs en amont de leur embouchure, et cette raison, c’est l’allongement du delta. En effet, comme nous l’avons dit précédemment, à mesure que le fleuve avance ses bouches dans la mer, il faut qu’il se crée une pente pour pouvoir débiter la masse d’eau que lui apportent incessamment les affluents de son bassin, et pour créer cette pente, il ensable son lit et l’élève de plus en plus au-dessus du niveau du sol. Ainsi la construction même des levées latérales, en allongeant outre mesure la pointe du delta, oblige l’habitant riverain à leur donner une hauteur et une solidité de plus en plus grandes. C’est un fait bien connu que les eaux du Pô à Ferrare ont leur surface plus élevée que les toits des maisons de la ville ; de même le Pian, bras sud du Hoang-ho, coule à 35 mètres au-dessus de la ville de Kaifong-fu, capitale du Honan, et l’on raconte même qu’une seule crevasse dans les digues causa la mort de 200 000 personnes. En 1856, pendant la terrible guerre civile qui sévissaient alors, les levées du Hoang-ho proprement dit ont été négligées, et le