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posent sans cesse des alluvions à leur embouchure et avancent progressivement sur la mer ; mais tous font leur part de travail dans une plus ou moins forte proportion ; ce qui fait la célébrité des grands deltas du monde, c’est que la terre y empiète sur l’Océan comme à vue d’œil et qu’il suffit d’un aussi court espace de temps que celui de la vie d’un homme pour que la baie salée devienne une campagne, le champ de fucus une forêt majestueuse. Le Hoangho semble être parmi les fleuves le plus grand travailleur ; déjà ses alluvions ont réuni au continent l’île montagneuse de Shantung, formé l’île de Tsongning, longue de 100 kilomètres et large de 25, et se déposent continuellement au fond de la mer en quantités si considérables, qu’elles suffiraient pour former dans l’espace de vingt-cinq jours une île d’un kilomètre carré de surface et d’une profondeur moyenne de 25 mètres.

D’après M. Élie de Beaumont, le Shat-el-Arab avance son embouchure dans le golfe Persique de 60 mètres par an, bien qu’une grande partie des matières terreuses qu’il contient se dépose sur ses bords pendant les crues, mais aussi la masse de sédiment contenue dans l’Euphrate égale, dit-on, la 80e partie de l’eau. Dans le Gange, le limon ne formerait que la 528e partie de la masse des eaux du fleuve, et du reste une très grande quantité de ces alluvions se perd dans l’immense profondeur de cette grande dépression maritime qui se trouve à 50 kilomètres de l’embouchure du Gange et qu’on appelle le gouffre sans fond (great swatch). Quoi qu’il en soit, les empiétements du Gange sur la mer doivent être énormes, puisqu’il charrie de 4 à