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de sa surveillance.

Et que devient l’ouvrier, le paysan dans ce monde si bien organisé ? Machines, chevaux et hommes sont utilisés de la même manière : on voit en eux autant de forces, évaluées en chiffres, qu’il faut employer au mieux du bénéfice patronal, avec le plus de produit et le moins de dépenses possible. Les écuries sont disposées de telle sorte qu’au sortir même de l’édifice, les animaux commencent à creuser le sillon de plusieurs kilomètres de long qu’ils ont à tracer jusqu’au bout du champ : chacun de leurs pas est calculé, chacun rapporte au maître. De même les mouvements des ouvriers sont réglés à l’issue du dortoir commun. Là, point de femmes ni d’enfants qui viennent troubler la besogne par une caresse ou par un baiser. Les travailleurs sont groupés par escouades ayant leurs sergents, leurs capitaines et l’inévitable mouchard. Le devoir est de faire méthodiquement le travail commandé, d’observer le silence dans les rangs. Qu’une machine se détraque, on la jette au rebut, s’il n’est pas possible de la réparer. Qu’un cheval tombe et se casse un membre, on lui tire un coup de revolver dans l’oreille et on le traîne au charnier. Qu’un homme succombe à la peine, qu’il se brise un membre ou se laisse envahir par la fièvre, on daigne bien