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134 Troisième Partie.

Voilà les éléments de cette œuvre remarquable qu’on appelle les Rubfi’iyât de ’Omar Hayyâm, mélange curieux de pensées les plus hétérogènes, les plus contraires, renfermant le matérialisme le i)his brutal et le spiritualisme le plus sublime, poésie tantôt légère, tantôt i>rofonde, traitée quelquefois avec enjouement, mais le i)lus souvent avec une ironie amère ou un désespoir plus ou moins accentué. Ce qui coutribue à rendre ce mélange plus confus, c’est que les quatrains ont été arrangés selon le hasard de la rime. Pourtant il ne faut i)as aller jusqu’à }»rétendrc, que toutes ces idées incongrues n’aient pu exister ensemble dans un même cerveau persan.

N’avons-nous pas eu, nous autres nations européennes, qui nous vantons de penser logiquement, des poètes qui ont traité des idées presque aussi hétérogènes ? Comment un tel phénomène ne serait-il pas possible chez ces Persans, doués de plus d’imagination que de logique ? Dans la poésie de Nâsir Husrau nous trouvons également une bonne part de ce déchirement, de ce débordement de sentiments momentanés, bien que, chez lui, ces sentiments soient contenus par une forte tendance.

Au point de vue de la psychologie, je ne trouve pas impossible, que ’Omar Hayyâm ait pu composer les Rubâ’iyât essentiellement telles qu’elles nous sont représentées dans les meilleurs textes. Mais, encore une fois,

même les meilleurs textes sont fortement altérés ; à quel point c’est ce que nous ne savons pas.

Nous n’avons pas de

moyens pour décider, si tel ou tel quatrain est composé par lui-même ou non.

Mais la valeur de l’œuvre reste, indépendamment de l’auteur.

Dans les Rubâ’iyât, les courants d’esprit qui ont traversé, durant les siècles, le monde persan, se rencontrent et se réfractent. Les Rubâ’iyât sont une encyclopédie poétitiue de la vie intellectuelle des Persans, et à ce point de vue, elles sont incontestablement une des œuvres les plus remarquables qu’a produites la littérature persane.