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118 Troisième Partie.

Nous devons, autant que possible, nous rendre indépendants de nos semblables :

Si un homme possède un pain qui suffit pour deux jours, et une gorgée d’eau dans une cruche fêlée,

pourquoi faut-il alors que cet homme soit l’esclave d’un homme qui lui est inférieur, ou qu’il se mette au service d’un homme qui est son égal 1 ?

(W. 207.)

Et nous devons cacher nos pensées et sentiments intimes :

Il faut tenir cachés les mystères à tout le vilain vulgaire, il faut tenir cachés les secrets à tous les sots.

Prends garde à ce que tu fais envers tes semblables : il faut tenir caché l’espoir à tous les hommes. (W. 54, Bd. : ^0.)

Les hypocrites surtout sont raillés. « Les clameurs des dévots hypocrites » (W. 64) sont en abomination aux débauchés :

Ces gens-là qui adorent le tapis de prie-Dieu, sont des ânes, parce qu’ils portent le fardeau de l’hypocrisie.

Et ce qu’il y a de plus singulier, c’est que derrière le rideau de la dévotion ils vendent la religion et sont pires que des infidèles 2.

(W. 143.)

Un cheik dit à une femme prostituée : « Tu es ivre, et à chaque instant tu te laisses prendre dans les filets d’un nouvel [amant] ».

Elle répondit : « Ô cheik, tout ce que tu dis, je le suis ; mais toi, es-tu bien ce que tu as l’air d’être ? »

(W. 473.)

1 Nāsir Husrau : « Sois content d’un pain sec ; alors tu n’as pas à te soucier de l’orgueil de la racaille ». {Sa’àdatn. v. 76.) — Sa’dl : « Nous sommes contents du pain sec et du froc, car le fardeau de notre propre indigence est plus léger que le fardeau de l’obligation envers les hommes ». {Gulistàn, éd. Gladwin p. 143.)

2 Abul-’Alâ al-Ma’arrI (ZDMG. XXX. p. 40) :

Réveillez-vous, réveillez-vous, ô errants ! car vos dogmes ne sont qu’une tromperie, transmise des anciens,

qui en voulurent amasser de viles richesses. Ils y réussirent, et ils s’en allèrent, et la loi des impies mourut.

Sa’di : « Ceux qui vendent la foi pour le monde, sont des ânes ». (Gulistàn, éd. Gladwin p. 301.) — Le poète satirique ’Obeid Zâkânî qualifie ainsi les religieux, dans ses « définitions » : « Le prêtre : celui qui parle et n’agit pas selon ses paroles ». « L’homme d’Eglise : celui qui vend des prières » (v. P. Horn : Gesch. d. pers. Litt. p. 138).