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SUR LA CHRONOLOGIE DES HINDOUS.

malignité de l’esprit d’intolérance ; cependant les plus orthodoxes regardent Bouddha lui-même comme une incarnation de Vichnou. Il est difficile d’accorder des idées aussi contradictoires, à moins de trancher le nœud, au lieu de le défaire, en supposant avec Georgi[1] qu’il y eut deux Bouddhas, dont le plus jeune établit la nouvelle religion qui révolta si fort les Indiens et qui s’introduisit dans la Chine au premier siècle de notre ère. Le Kachmyryen dont j’ai fait mention, assuroit ce fait sans y être conduit par aucune question où il fût impliqué ; et nous avons lieu de présumer que Bouddha n’est réellement qu’un nom générique pour désigner un philosophe. L’auteur d’un célèbre dictionnaire sanskrit, auquel il donna son nom, Amaracôcha, et qui étoit lui-même un Bouddhiste et florissoit dans le siècle qui précéda la naissance de J.-C., commence son vocabulaire par neuf mots qui signifient ciel, et passe ensuite à ceux qui signifient une divinité en général ; après quoi viennent différentes classes de dieux, de demi-dieux et de démons, tous désignés par des noms génériques. Elles sont suivies de deux articles très-remarquables. Le premier renferme, non point les noms généraux de Bouddha, mais les noms d’un Bouddha en général ; leur nombre est de dix-huit, tels que Mouni, Sâstri, Munîndra, Vinâyaça, Samantabhadra, Dhermarâdja, Sougata, et autres semblables : plusieurs d’entre eux indiquent la supériorité, la sagesse, la vertu et la sainteté. Le second article comprend les noms d’un Bouddha Mouni-particulier-qui descendit-dans-la-famille-de-Sâcya[2] (ce sont les propres termes de l’original), et ses titres sont, Sâcyamouni, Sâcyasinha, Servârthasiddha, Saoudhôdani, Gaoutama, Arcabandhou, ou parent du Soleil, et Mâyâdêvîsuta, ou enfant de Mâyâ, L’auteur passe de là aux diverses épithètes des divinités particulières des Hindous. Quand je fis remarquer à Râdhâcânt ce passage curieux, il soutint que les dix-huit

  1. Le P. Augustin Antoine Georgi, auteur de l’Alphabetum Tibetanum publié à Rome en 1762, 1 vol.  in-4.o, a donné dans cet ouvrage des renseignemens fort curieux sur les différens personnages nommés Bouddha et Butta. (L-s.)
  2. C’est, je crois, la famille de la Lune ; car Sâcy est un des noms de la Lune en langue sanskrite. (L-s.)