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OBSERVATIONS

cérémonies. On me dit que la partie religieuse de la solennité se renouveloit cinq fois par jour. Je pris congé, en invitant quelques-uns des principaux chefs, qui étoient sur le point de retourner dans leur pays par Bénârès, à venir me voir.

Dans le cours de ma conversation avec les deux Syk’hs avant l’office, je me procurai les renseignemens suivans. Le fondateur de leur secte s’appeloit Nanek châh[1] ; il florissoit il y a environ quatre cents ans dans le Pendj-âb[2]. C’étoit, avant son apostasie, un Hindou de la tribu Kchétry ou militaire. Son corps disparut tandis que les Hindous et les Musulmans se disputoient pour l’avoir. Lorsqu’on ôta l’étoffe qui le couvroit, on ne le trouva plus. Il laissa après lui un livre de sa composition, en vers, et en langue du Pendj-âb (mais écrit avec des lettres de son invention), lequel enseigne les dogmes de la croyance qu’il avoit établie : Les Syk’hs, en l’honneur de leur fondateur, nomment ces caractères gourou-mouki [de la bouche du maître].

  1. Et non pas Nânek sah, comme on lit par une erreur typographique dans l’édition même de Calcutta. Châh شاه est un mot persan qui signifie roi : on donne ce titre aux souverains ; et on l’ajoute souvent aux noms des dervyches et des hommes qui mènent une vie exemplaire.

    Nanek naquit ou parut sur la terre en 1469, dans le petit district de Telvendy, appartenant à son père, et situé dans la province de Lâhor, &c. Voyez mon Précis sur les Syk’hs, t. III, p. 4 et suiv. du Voyage de G. Forster. Je crois avoir rassemblé dans ce précis tous les renseignemens capables de faire connoître cette nation, déjà très-puissante, et qui acquiert chaque jour de nouveaux accroissemens. Suivant le tableau de ses forces, dressé par M. Brown en 1787, elle pouvoit mettre sur pied 98,200 hommes, tant cavaliers que fantassins. En 1793, un chef de cette nation remit à M. Franklin un état de leurs forces, duquel il résulte qu’elles se montoient alors à 248,000 combattans. La comparaison de ces deux tableaux, dressés à peu de distance l’un de l’autre, suffit pour donner une idée des progrès rapides de ce peuple, qui ne peut tarder à s’emparer entièrement de tout le nord de l’Inde. M. Ouseley a fait graver et publier dans ses Oriental Collections, vol. II, p. 368, le portrait de Nanek (dont il ne garantit probablement point la ressemblance), et celui d’un musicien jouant du rebâb, qui lui étoit fort attaché. Cette gravure a pour titre بابا نانك وسردانر رباب Bâba Nanek et un joueur de rebâb. Nous observerons qu’ici Nanek a le titre seulement de bâbâ بابا [père], et non celui de châh شاه [roi]. (L.-s.)

  2. Le Pendj-âb پنج آب est le canton septentrional de l’Inde, arrosé par les cinq rivières qui se confondent avec le Sind ou Indus. Ce mot composé persan signifie en effet les cinq rivières. Voyez ma note ci-dessus, page xxvj. (L-s.)