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SUR LES SYK’HS ET LEUR COLLÉGE.

pendant que, sans interrompre son chant, il se tournoit vers chacun des assistans, comme pour solliciter leur assentiment aux vérités qui sembloient absorber son ame entière. Lorsqu’on eut achevé l’hymne, composé d’environ vingt versets, tous les assistans se levèrent, et, les mains jointes, présentèrent le visage à l’autel, dans l’attitude de supplians. Un jeune homme sortit des rangs, et prononça d’un ton solennel, à voix haute et distincte, une longue prière ou une sorte de liturgie. De temps en temps l’assemblée y répondoit en chœur par cette acclamation : Wah Gouroù[1] ! Ils prioient pour être préservés de la tentation, pour que la grâce les aidât à faire le bien, pour le bonheur général de l’espèce humaine et la félicité particulière des Syk’hs, enfin pour la sûreté de ceux qui étoient alors en voyage. Cette prière fut suivie d’une courte bénédiction, proférée par le vieillard, et de l’invitation faite à l’assemblée de partager un banquet amical. On ferma le livre et on le remit à sa place ; et l’assemblée s’étant rassise, il entra deux hommes portant un grand chaudron de fer, appelé korray, qu’on venoit de retirer du feu : ils le placèrent au centre de la salle sur un siége peu élevé. D’autres hommes les suivoient chargés de cinq ou six plats, dont quelques-uns étoient d’argent, et d’une grande pile de feuilles cousues ensemble avec des fibres, en forme d’assiettes. On distribua ces assiettes entre tous les assistans sans distinction ; et lorsqu’on eut pris dans le chaudron de quoi remplir les plats, on servit une portion à chacun. Je ne fus point oublié ; et comme j’avois résolu de ne pas donner le moindre sujet de plainte, je mangeai ma portion. C’étoit une espèce de confiture, de la consistance du sucre brun, composée de fleur de farine, et de sucre mêlé avec du beurre clarifié, qu’on appelle ghy[2]. Si le ghy n’avoit pas été rance, j’aurois mangé ce mets avec plus de plaisir. On nous servit ensuite des gâteaux sucrés ; et là se terminèrent le banquet et les

  1. Oùah Gourou وه ڪُرو [Oui, bien, directeur !] Gourou est un mot indien qui signifie prêtre, directeur spirituel, &c. (L-s.)
  2. Le ghy ڪَهي est du beurre clarifié qui se garde fort long-temps. Les Indiens s’en servent pour apprêter leurs mets et faire des offrandes à leurs divinités. (L-s.)