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NOTES.

géant Kansa. Son nom signifie noir, Cette couleur est la plus belle de toutes, suivant l’opinion des Indiens. Pour indiquer combien un homme leur paroît beau, ils disent qu’il est noir ; et ils le comparent à Crichna [ou Apollon] : de là, chez eux, ce proverbe trivial, Pourouckechou Crichna [le plus beau des hommes, Crichna]. Cette idée de beauté attachée à la couleur noire se trouve exprimée dans l’Écriture : « Je suis noire, mais je suis belle, 6 fille de Jérusalem, » dit l’épouse du Cantique. Plusieurs images de la Vierge, entre autres celle que l’on révère à Lorette, et que nous avons vue pendant quelque temps au Cabinet des antiques de la Bibliothèque nationale, sont noires. La seule portion du globe où la couleur noire puisse passer pour un des attributs de la beauté, c’est sans contredit l’Afrique ; et cette prédilection des Indiens pour la couleur noire ne semble-t-elle pas justifier mon opinion touchant l’origine éthiopienne de la civilisation et des religions de l’Égypte, de l’Inde, &c. ! Voyez mes notes et édaircissemens sur le Voyage de Norden, tome III, pag. 348 et suiv. Mais revenons à Crichna. On le nomme aussi Govina et Gopâla, c’est-à-dire, pasteur, qui fait paître les vaches. Il est invoqué sous ce nom au commencement du Sambhâvam (la Genèse indienne). C’est YApol/o Nomius des anciens. Au lieu de la lyre grecque, les Indiens lui mettent à la main une flûte de berger : au son de cette flûte, il fait danser des bergères dans les forêts ; les femmes abandonnent leurs maisons pour venir le trouver et le suivre ; elles courent toutes nues avec lui sous les arbres, au bord des ruisseaux et des étangs, et forment des chœurs qui dansent devant lui. On dit qu’il aima sur-tout huit reines ou femmes d’un haut rang. Son troupeau favori étoit composé de neuf vaches ; ce qui lui valut le surnom de Navagovara [ pasteur des neuf vaches ]. Enfin il étoit éperdument amoureux de neuf belles filles, qu’on peut comparer aux neuf Muses. De même que le laurier étoit consacré à Apollon, le tchauâna, ou sandal, est consacré à Crichna, dont le corps fut changé en cet arbre ; et les Indiens emploient le bois de sandal réduit en cendre ou en poussière, pour se faire sur le front le signe sacré nommé kouri. Cet usage religieux tire son origine de la vertu que l’on attribue à la poudre de jsandal délayée dans l’eau, de calmer les maux de tête, de chasser la fièvre, &c. Les Indiens prétendent que le corps de Crichna fut métamorphosé en un tronc de sandal, parce que ce corps ayant été jeté dans l’Yamounâ [le Djeinnah], fut porté par ce fleuve jusqu’à une embouchure du Gange, et de là aborda sous la forme d’un tronc de sandal à Djagarnath, où on l’adore encore aujourd’hui sous cette forme. Crichna se nomme encore nourricier des hommes, sauveur, médecin, Les femmes à qui le