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NOTES.

un enfant, et lui présente la mamelle. On la représente aussi comme une vierge charmante, assise sur le lotus ; alors elle est vêtue, et porte de superbes pendans d’oreilles. Le manglier, nommé maa, lui est dédié, aussi-bien que son feuillage ; et c’est pour cela que les Brahmanes se servent des branches de cet arbre pour faire des aspersions d’eau lustrale, nommée tirtha. Le lotus lui est aussi consacré, comme lui servant de siège et même de demeure. On prétend aussi que cette déesse habite dans la gueule des vaches. Elle passe pour la protectrice du feu nocturne ; c’est pourquoi l’on a soin tous les soirs de conserver du feu en l’honneur de Lakchmî : heureuse la maison où brûle consécutivement une lampe, ou tout autre feu, en l’honneur de Lakchmî ! Quand il s’agit de faire cuire du riz, les femmes indiennes en jettent quelques grains dans le feu, en invoquant la déesse ; les jeunes filles curieuses de devenir belles et fécondes ont une dévotion particulière pour elle. Enfin elle reçoit un culte universel dans toute l’Inde, et les partisans de Vichnou la nomment la grande mire : c’est, comme on sait, un des noms que les anciens donnoient à Cérès. Pour se convaincre de l’étonnante ressemblance qui existe entre ces deux déesses indienne et grecque, il suffit d’examiner avec attention les attributs de celle dont il s’agit, et de les comparer avec ceux de la déesse qui lui correspond dans la mythologie grecque et latine.

Cérès, fille d’Ops, la déesse des moissons, la nourrice Cérès, δημήτηρ, la terre, grande mère, créatrice de tous les végétaux, la grande déesse, que les Arcadiens nommoient δέσποινα [la maîtresse], &c. est évidemment la même que Srî ou Lakchmî, la déesse de l’abondance, la déesse conservatrice, la déesse des richesses, du plaisir, du courage, de la joie [χαρά en grec], &c. qui nourrit les hommes. Les torches que Cérès alluma au feu de l’Etna pour chercher sa fille Proserpine, les flambeaux que les anciens allumoient à sa fête, ressemblent bien aux feux qu’on allume dans l’Inde en l’honneur de Lakchmî. On la nomme belle, parce que Lakchmî, ou la Vénus indienne, est née d’une coquille suivant quelques-uns, et d’un lotus suivant d’autres ; et c’est à cause de cela que les jeunes filles lui offrent des sacrifices. Lakchmî s’assied sur un lotus, parce que cette plante est l’origine de toute génération, suivant les Brahmanes. Ils disent qu’elle-même est un lotus, parce que, sous le point de vue physique, elle est la production du soleil, de la terre et de l’eau, et parce que la terre nourricière est la mère, la matrice et le réceptacle de toute semence, laquelle ensuite enfante et nourrit. On l’appelle la grande mire, la génératrice du monde, parce que, suivant les anciens, tout vit et subsiste par