Page:Recherches asiatiques, ou Mémoires de la Société établie au Bengale, tome 1.djvu/277

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
153
sur un voyage au tibet.

avec une partie des troupes qu’il commandoit, deux des quatre magistrats de cette ville, les supérieurs de tous les monastères du Tibet, et les ambassadeurs de l’empereur, se réunirent à Tichou-Loumbou pour célébrer cette époque importante de leurs institutions religieuses. Le 28 de la septième lune, jour qui correspond à-peu-près au milieu du mois d’octobre 1784 (l’année des Tibétains commençant à l’équinoxe du printemps), fut choisi comme le plus favorable à l’inauguration. Quelques jours auparavant, le Lama fut amené de Terpaling, monastère où il avoit passé sa première enfance, avec tout l’appareil et tous les hommages qu’on pouvoit attendre d’un peuple enthousiaste. On n’a jamais vu un aussi grand concours rassemblé par la curiosité ou par la dévotion. Le cortége fut grossi de tous les Tibétains qui purent s’y joindre. Cette affluence obligea la procession de marcher si lentement, qu’il lui fallut trois jours pour parcourir les vingt milles qui forment la distance de Terpaling à Tichou-Loumbou. La première halte eut lieu à Tsondoue, la seconde à Sommaar. À six milles environ de cette dernière station, une pompe splendide avoit été préparée pour l’entrée du Lama : c’est d’un témoin oculaire que j’en tiens la description. On avoit, dit-il, lavé et nettoyé le chemin ; et des tas de pierres, séparés par de petits intervalles, étoient élevés des deux côtés. Le cortége passa entre deux rangs de prêtres, qui s’étendoient, comme une rue, depuis Sommaar jusqu’aux portes du palais. Quelques prêtres avoient des torches allumées, faites d’une composition odoriférante, qui brûle comme le bois pourri, et répand une vapeur aromatique ; les autres portoient les divers instrumens en usage dans leurs cérémonies pieuses, tels que le gong, la cymbale, le hautbois, les trompettes, les tambours, et les conques marines, dont ils s’accompagnoient en chantant un hymne. La foule des spectateurs étoit derrière les prêtres, et il n’y avoit sur le grand chemin que les personnes qui appartenoient au cortége, ou dont la place y étoit marquée. Voici quel étoit l’ordre de la procession :

La marche s’ouvroit par trois commandans militaires, ou gouverneurs de districts, à la tête de six ou sept mille cavaliers armés de