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rapport

interruption, et qui couvrirent la terre à une telle hauteur, qu’il devint absolument impossible de voyager, jusqu’à ce que le dégel rouvrît les communications. Le froid, dit-il, fut si rigoureux pendant qu’il étoit prisonnier à Phari, et le changement immédiat de température eut un effet si pernicieux sur sa santé et sur celle de ses compagnons, qu’il s’attendoit à être victime avec eux de l’inclémence de l’air, si le prompt changement de temps ne lui eût permis d’aller en avant.

Quoi qu’il en soit, dès qu’il put s’éloigner de Phari, il avança à grandes journées ; et, sans être arrêté par de nouveaux obstacles, il parvint, le 8 mai suivant, à Tichou-Loumbou[1], capitale du Tibet. En entrant dans le monastère, il se rendit au dorbâr[2] du régent Tchandjou Couchou, Pandjen Irtinni [Erténi] Nemohéim[3], pour annoncer son arrivée et l’objet de sa mission. Un logement lui fut assigné, et l’on fixa l’heure où il verroit le Tichou Lama. Il sut le lendemain matin que ce prince se proposoit de quitter le palais pour habiter un de ses jardins, situé dans la plaine qu’on voit du monastère, et où l’on apercevoit un camp nombreux, qui venoit d’être formé. Le Lama sortit de son appartement à la pointe du jour ; et avant le lever du soleil, il étoit logé dans les tentes qui avoient été dressées pour lui.

Dans la matinée, Pourounguyr alla aux tentes du Lama, à l’heure

    de l’ambassade, imprimée à Londres ; mais la prononciation est la même en anglois. Ce prince, quoique souverain du Boutan, reconnoît le Tichou Lama pour son suzerain temporel, et sur-tout spirituel : mais cette dépendance n’est qu’apparente et illusoire, car il réunit lui-même la puissance sacerdotale et temporelle ; en sa qualité de Lama, il est en même temps souverain et pontife du Boutan. Les Anglois attachent la plus haute importance à obtenir ses bonnes grâces, non-seulement afin de commercer avec le Boutan, mais encore parce qu’il peut interrompre toutes leurs relations avec le Tibet, où ils ne peuvent se rendre qu’en traversant ses états. Voyez la Relation de Turner, et l’extrait de celle de Bogle, publiés par les C.ens Billecocq et Parraud, en un volume in-16 (L-s.)

  1. Nommé Tchache-Loumbou par M. Amiot. Mémoires concernant l’histoire, les sciences, les arts, &c. des Chinois, t. IX, p. 447. (L-s.)
  2. درنار mot indien, adopté par les Persans de l’Inde, qui désigne l’audience, la salle d’audience et la cour d’un grand : c’est à-peu-près le synonyme de l’arabe ديوان dyvân. (L-s.)
  3. Le même nom est ainsi écrit dans la Relation de l’ambassade, imprimée à Londres : Chanjoo Cooshoo, Punjun Irtinnee Nimoheim ; prononcez Tchandjou Couchou, Pantchan Erténi Nemohéim. (L-s.)