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AVEC LE TICHOU LAMA.

de la bienveillance à mes compatriotes, et qu’il ouvrira ainsi des relations étendues entre ses adorateurs et les sujets de l’Angleterre. » Tandis que je parlois, le petit Lama avoit le visage tourné de mon côté ; il me regardoit fixement avec l’air de l’attention, et secouoit la tête lentement et à plusieurs reprises, comme s’il eût entendu et approuvé chaque mot, sans pouvoir me répondre. Ses parens, qui m’écoutoient debout, le contemploient d’un air d’affection, et paroissoient charmés de sa tenue. Il n’avoit des yeux que pour nous. Il étoit silencieux et posé, et il ne regardoit jamais ses parens, comme il auroit pu le faire s’il avoit eu besoin d’être dirigé par leurs conseils. Quelque soin qu’on ait pris de former ses manières, j’avoue que sa conduite, en cette occasion, sembloit parfaitement naturelle et spontanée, et que des gestes ou des signes d’autorité n’influoient aucunement sur elle.

La scène où je figurais étoit trop nouvelle et trop extraordinaire, quoique ridicule, ou même absurde, comme elle le semblera peut-être à quelques personnes, pour ne pas exiger de moi l’attention la plus minutieuse.

Le Tichou Lama est maintenant âgé d’environ dix-huit mois. Il ne proférait pas un seul mot ; mais il faisoit des gestes très-significatifs, et se conduisoit avec une bienséance et une dignité étonnante. Son teint est de cette nuance que nous appellerions brune en Angleterre ; mais il est assez coloré. Ses traits sont agréables, ses yeux noirs et petits ; sa physionomie est animée et remplie d’expression ; en un mot, c’est l’un des plus beaux enfans que j’aie vus. Je ne conversai pas beaucoup avec son père. Il me dit qu’il avoit ordre de me garder pendant trois jours, au nom du Tichou Lama, et me pria avec tant d’instance de lui accorder un jour de plus pour son propre compte, que je ne pus me défendre de lui complaire. Il nous invita ensuite, pour le lendemain, à une fête qu’il se proposoit de donner à peu de distance du monastère. Nous acceptâmes, et nous sortîmes après avoir pris congé.

Dans l’après-midi, j’eus la visite de deux officiers de la maison du Lama, chargés l’un et l’autre de son service immédiat. Ils s’assirent et causèrent quelque temps avec moi, me demandèrent des