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MATHÉMATIQUES ET MATHÉMATICIENS

plus lumineuses et les plus fécondes sont pour nous celles qui font le mieux image et que l’esprit combine avec le plus de facilité dans le discours et dans le calcul.

Le calcul n’est qu’un instrument qui ne produit rien par lui-même, et qui ne rend en quelque sorte que les idées qu’on lui confie. Si nous n’avons que des idées imparfaites, ou si l’esprit ne regarde la question que d’un point de vue borné, ni l’analyse, ni le calcul ne lui apporteront plus de lumière, et ne donneront à nos résultats plus de justesse ou plus d’étendue : au contraire, on peut dire que cet art de réaliser en quelque sorte par le calcul de vagues conceptions n’est propre qu’à rendre l’erreur plus durable, en lui donnant pour ainsi dire une consistance.

Sitôt qu’un auteur ingénieux a su parvenir directement et simplement à quelque vérité nouvelle, n’est-il pas à craindre que le calculateur le plus stérile ne s’empresse d aller la chercher dans ses formules comme pour la découvrir une seconde fois et à sa manière, qu’il dit être la bonne et la véritable ; de sorte qu’on ne s’en croit plus redevable qu’à son analyse, et que l’auteur lui-même, quelquefois peu exercé à ce langage et à ce symbole, sous lesquels on lui dérobe ses idées, ose à peine réclamer ce qui lui appartient et se retire presque confus, comme s’il avait mal inventé ce qu’il a si bien découvert.

Poinsot.