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LES NUITS CHAUDES DU CAP FRANÇAIS

Comme elle demeurait la tête basse, sans ouvrir la bouche :

— Je remplace votre mère, Antoinette, rappelez-vous ce que vous me devez. Je vous ordonne de me répondre, et tout de suite.

Mais elle ne m’obéit pas davantage. Elle était moins troublée que moi-même ; je ne le lui laissai pas voir ; je fermai les volets de la fenêtre avec une clef, comme lorsque nous allions en promenade, puis je la laissai dans sa chambre, après avoir poussé le verrou extérieur de la porte.

— Si vous vous décidez à parler, mademoiselle, vous m’appellerez, lui criai-je du vestibule. En attendant, bonne soirée ! On vous apportera votre souper ici.

Je l’entendis sangloter, et pourtant j’eus le courage de m’arracher à cette porte derrière laquelle ma chérie se lamentait ; alors, il est vrai, je sentais je ne sais quelle haine contre elle. Il m’avait même fallu me retenir pour ne pas la battre comme j’aurais battu une enfant ; et j’étais presque heureuse d’avoir pu, sans la frapper, lui faire mal. Ce secret qu’elle garde pour elle seule m’irrite comme un affront. Hélas ! à peine commençai-je à sentir les joies d’une affection réelle, et déjà elle échappe à mon désir ! Mon Dieu ! quand je songe que c’est près de cette enfant que j’espérais trouver le pardon et l’oubli du passé. Pourquoi ne l’avez-vous pas voulu, Seigneur !

Au milieu de ma rage, et par une sorte d’instinct irréfléchi, je me suis dirigée vers le salon des jalaps,