Page:Rebell - Les nuits chaudes du cap français, 1900.djvu/95

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
93
JOURNAL D’UNE DAME CRÉOLE

Et du balai de lianes que j’avais emporté pour châtier Cochonnette, je lui cinglai les jambes. Elle poussa un rugissement terrible, plus honteuse que blessée ; puis, au milieu de sanglots, elle criait :

Parler, mô, di tout ké fi, mame Lafon ki fi mouri ! (Je parlerai moi, je dirai tout ce que tu as fait, oui, que tu as fait mourir Mme Lafon.)

La gueuse ! elle a prononcé le nom de Mme Lafon ! elle m’a accusée ; elle hurlait si fort que du salon des jalaps, mes hôtes pouvaient l’entendre !

Je courus après elle, je la ramenai dans la chambre.

— Tais-toi, fis-je. Je te pardonne ! mais je veux que tu te taises, entends-tu !

Elle me regarda au milieu de ses larmes, avec un mauvais rire qui me fit croire que tout ce chagrin n’était qu’une comédie, puis elle partit sans prononcer un mot. Au même instant, j’aperçus Antoinette, qui, me voyant chez elle, parut très surprise et devint toute rouge.

— Qu’avez-vous, mon enfant ? lui dis-je et en la serrant contre moi, je sentais son cœur battre très vivement.

Elle eut un coup d’œil vers le lit défait et vers le jardin, et elle arrêta sur moi un regard plein d’anxiété.

— Enfin, que se passe-t-il ici ? repris-je. Que signifie cet air étonné ? Pourquoi avez-vous quitté le salon ? Quel est ce mystère ? Voulez-vous me parler, Antoinette ?