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LES NUITS CHAUDES DU CAP FRANÇAIS

— De grâce, ma bonne, laissez-le divaguer à son aise, il nous divertirait.

Le docteur s’était levé, la face légèrement congestionnée ; il s’approcha de la fenêtre pour respirer un peu d’air, mais l’atmosphère était toujours étouffante ; alors il s’éventa, et ses cheveux blancs, qu’il porte arrangés en perruque, s’agitèrent autour de son front et lui firent commet une auréole burlesque. Après s’être promené quelques minutes silencieusement, les mains croisées sur son ventre qui formait, sous l’habit serré, de larges bourrelets de chair, il demanda, à brûle-pourpoint :

— Enfin, madame Du Plantier, avez-vous envie de recevoir des coups de fouet ?

— Seigneur mon Dieu !

— Et vous, mademoiselle Antoinette, vous plairait-il d’éventer une négresse, accroupie à ses côtés ?

— En vérité, dit Mme du Plantier, je crois que le docteur est devenu fou.

— Non, mesdames, je ne suis pas devenu fou. Je dis des choses très sensées au contraire. Vous avez eu les beaux rôles assez longtemps. Puisque vous avez proclamé l’égalité de tous les hommes, il est logique que vos noirs jugent bon à présent de prendre votre place et de vous donner la leur.

À ces paroles, les dames et l’abbé se regardèrent en riant et en secouant la tête.

— Je ne vois pas, fis-je, quel rapport tout cela peut avoir avec mon commandeur.