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LES NUITS CHAUDES DU CAP FRANÇAIS

— C’est que justement ils sont peut-être fatigués d’être battus.

— Voilà le docteur parti sur sa corvette favorite, l’expédition n’est pas près d’être terminée !

— Ah ! plût au Ciel !…

— Le docteur invoque le Ciel auquel il ne croit pas, observa l’abbé.

— Il faut bien parler votre langue, monsieur. Tout ce que je voulais dire, c’est que je désire vivement que mes soucis soient vains et mes paroles insensées.

— Alors vous pensez, dit Mme de Létang, qu’une révolte au Cap serait possible ?

— Non seulement je la crois possible, mais inévitable.

— Vous avez trop lu Diodore, mon cher docteur, dit l’abbé qui cessa enfin de siroter sa raisinade. Seulement nous ne sommes pas à Syracuse, mais au Cap, colonie française. Nous ne sommes pas païens, mais chrétiens. Ne confondons pas des époques qui n’ont aucun trait commun. Vous ne pouvez comparer en effet aux infortunés esclaves du paganisme — plus malheureux, plus maltraités que des bêtes domestiques, — des êtres qui reçoivent le baptême et les autres sacrements, qui peuvent participer aux joies et obtenir les consolations de tous les chrétiens et qui, faisant le bien, jouiront avec nous du bonheur éternel. Ce sont nos égaux après tout. Que nous leur enseignions parfois la vertu et la civilisation avec quelque rudesse, je ne le nie point : nous ne sommes pas parfaits, ni eux non plus. Nous sommes des hommes.