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LES NUITS CHAUDES DU CAP FRANÇAIS


te, je ne vais pas soigner vos victimes, permettez-moi donc d’être seule à m’occuper des miennes ; je suffis sans effort à cette tâche, d’autant mieux que je ne les aime pas assez pour me donner la peine, comme vous de les envoyer en paradis.

Mme Du Plantier avait eu dernièrement des ennuis pour avoir tué, ou du moins contribué par un supplice horrible à faire mourir l’un de ses nègres : tout le monde s’accorde à dire que, sans sa liaison avec le gouverneur, elle aurait subi une condamnation. Cependant, c’est à peine si ma répartie la blessa : elle est grasse, elle aime son repos, et laisse passer les impertinences sans y répondre. Elle se contenta de hausser légèrement les épaules, de baisser les yeux d’une façon innocente, et de battre l’air plus vivement de son éventail.

— Ces cris sont insupportables ! fit à demi-voix l’abbé de la Pouyade.

— Croyez bien, monsieur l’abbé, lui dis-je, que je ne suis point la cause de cette barbarie ; j’ai rarement ordonné un châtiment, cela me répugne ; j’abandonne d’ailleurs tout le soin de ma propriété à mon commandeur.

— Un mulâtre, n’est-ce pas ? demanda le docteur Chiron.

— Oui, c’est un homme instruit, fort honnête. On dit même que son père était un riche négociant.

— Le père d’Obalukun ?

— Qu’est cela, Obalukun ?

— Mais votre commandeur !