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LES NUITS CHAUDES DU CAP FRANÇAIS


dissaient gracieusement dans l’embrasure ; cette sèche, maigriotte d’Agathe s’est approchée, lui a claqué puis pincé la fesse, tandis qu’Antoinette se retournait vers elle, souriant, se défendant, rougissant.

— Oh ! maman, viens donc voir, Antoinette qui n’a rien sous ses jupes. Moi aussi, je ne mettrai plus de chemise. Ce sera plus frais.

Mais Mme de Létang s’abandonnait toute à une contemplation qui semblait être pour elle des plus agréables, à en juger par le mouvement de ses narines, son sourire enivré, le vague de son regard. Elle considérait les cacaoyers du jardin, dont les fleurs fines et abondantes formaient sur le lisse feuillage comme une neige légère ; puis, se tournant de l’autre côté de la galerie, elle respirait des odeurs de jasmin qui montaient des plantations. Je la contemplais : plus mince encore que sa fille, avec des yeux énormes aux paupières en deuil, elle semble ruinée par la passion. Son confident ordinaire, l’abbé de La Pouyade, jeune et vieilli, tout en aspirant par une paille sa raisinade, ramène à chaque instant sur sa culotte les longues basques de son habit, comme pour cacher les merveilleuses jarretières en or ciselé, ornées de rubis qu’on lui voit porter depuis quelques jours, et qu’on prétend être un cadeau d’une pénitente. Derrière nous, à l’oreille de l’abbé qui ne l’écoute pas, le docteur Chiron parle sans trêve, chassant, de pli en pli, dans son gilet aux broderies ternies et à la soie tachée, le tabac qu’il laisse fuir entre ses doigts, en se chargeant le nez.