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LES NUITS CHAUDES DU CAP FRANÇAIS


elle m’a tendu une lettre singulière qui commençait par ces mots : « Mon ami bien aimé. »

— C’est Agathe, madame, a-t-elle expliqué, qui a inventé ce jeu. Je suis la fiancée, elle est le prétendu, et nous nous écrivons l’un à l’autre, pour rire !

— Voilà un jeu, dis-je, tout à fait contraire aux bienséances, et je vous prie, ma chère enfant, de le laisser à l’avenir à votre amie. Qu’elle s’écrive et se réponde elle-même, autant qu’il lui plaira. Pour vous, je vous défends un pareil amusement.

J’étais fort contrariée, et il me venait des soupçons qu’il m’était difficile d’écarter. Au risque d’instruire la jeune imagination d’Antoinette, je ne pus me défendre de lui demander l’emploi de sa journée.

— Qu’avez-vous fait avec Agathe ?

— Oh ! madame, figurez-vous qu’elle a absolument changé d’idée ; l’autre jour elle ne pouvait sentir M. de Montouroy, et maintenant elle lui embrasserait ses chaussures. Elle me dit que je devrais l’épouser.

— Et naturellement vous avez écouté votre amie, comme toujours, fis-je vivement pour l’éprouver.

— Oh ! madame, vous savez combien je déteste cet homme-là. Je n’ai pas changé de sentiment. J’ai dit à Agathe qu’elle pouvait le garder pour elle, s’il lui plaisait tant ; mais elle ne cessait de me vanter ses qualités comme si elle eût répété une leçon de sa maman.

— Voilà qui est extraordinaire ! m’écriai-je, puis la prenant dans mes bras et l’embrassant de toute ma force : Mon enfant, ma chère enfant, lui disais-je,