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JOURNAL D’UNE DAME CRÉOLE

J’ajoutai, comme si vraiment j’étais obligée de lui faire cet aveu :

— Vous ne savez pas combien j’ai besoin de votre aide !

Elle me considéra avec étonnement, sourit, et prit une allure dégagée qui ne lui était pas ordinaire.

— Il faut appeler Agathe, dit-elle, car il est grand temps de retourner au Cap. Je me suis bien attardée chez vous chère madame.

Ces mots « chère madame » semblaient effacer tout ce qui s’était passé entre nous. Agathe arriva en sueur, et la robe un peu salie ; elle avait dû s’asseoir par terre.

— Oh ! que je vous gronde, dit Mme de Létang, se met-on dans des états pareils quand on est en visite !

Nous brusquâmes les adieux qui furent cérémonieux, et je les fis accompagner par les lanterniers jusqu’au Cap, car la nuit était fort sombre. À leur départ je restai quelque temps seule dans la galerie, étendue sur un sofa, gênée, amusée, troublée par le souvenir de Mme de Létang dont l’image la plus intime me poursuivait avec insistance.

Quand j’allai me coucher, Antoinette était dans sa chambre occupée à écrire. Aussitôt qu’elle m’a vu entrer, elle a mis brusquement la main sur son papier et a essayé de le faire disparaître sous un livre.

— Voyons, mon enfant, lui ai-je dit, pourquoi ces cachotteries ? montrez-moi ce que vous écrivez.

Après de longues hésitations et toute rougissante,