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LES NUITS CHAUDES DU CAP FRANÇAIS


criard qui ressemblait à un aboiement de petits chiens. Dans leur hilarité, elles se courbaient sur les genoux, ou bien rejetaient la face en arrière ; certaines sautaient en se frappant les fesses ou le haut de la tête, tandis que le frère, tout rouge balbutiait des explications qu’il était seul à entendre. La gaieté des jeunes noires nous gagna nous-mêmes, et encouragées par notre tolérance, voilà qu’elles se mettent à danser autour du ridicule capucin, se baissant jusqu’à terre, se relevant d’un bond, d’une tension de reins impayable, et répétant en chœur :

— Li papa ! Li papa !

Il ne manquait à la calenda qu’un tambourin. Leur derrière sonore, qu’elles claquaient en cadence, en faisait l’office. Seule la grosse fille qu’on avait réclamée, restait contemplatrice de tous ces mouvements joyeux. Le moinillon essayait de fuir, mais le cercle des négresses s’était fermé autour de lui ; et, s’il voulait s’en échapper, une danseuse le heurtait par derrière et le renvoyait comme un ballon à la croupe de sa voisine ; ainsi secoué, il faisait, malgré lui, son tour de ronde et ses pirouettes. Trouvant enfin que le divertissement avait assez duré, je dis à mon commandeur de l’interrompre ; sur un ordre un peu vif et un battement de mains, les négresses se dispersèrent. Mon capucin rajusta sa robe qu’elles avaient retroussée, chercha une de ses sandales qu’il avait perdue, et suant, rouge de colère, il dit d’une voix courte et rageuse :

— Je vais faire ma déclaration à l’hôpital, et je