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LES NUITS CHAUDES DU CAP FRANÇAIS

— Qu’est-ce que signifient toutes ces façons ? m’écriai-je. Voulez-vous me l’expliquer, mon frère ?

Le petit capucin, qui avait les yeux enfoncés sous d’épais sourcils roux, un profil pointu dur et sans barbe, m’adressa d’un coup de tête vif, un salut dédaigneux qui me donna l’envie de le faire jeter sur la route : les jeunes négresses, derrière lui, riaient, chuchotaient, se pinçaient le derrière ou se heurtaient du coude. Une grosse, courte, qui était certainement enceinte, immobile, promenait sur nous des yeux ahuris.

— Madame, dit le capucin, d’un ton apitoyé et solennel, comme s’il allait m’annoncer un malheur, on a rapporté à l’Hôpital que vos noirs ne se conduisent pas selon les règles de la religion et de la morale ; on me signale de grands abus, dans les relations sexuelles, et notamment, plusieurs cas de grossesse. Or, vous savez quelle est la loi ; toute négresse convaincue d’avoir eu des relations avec un blanc est confisquée par nos missions.

— Cela vous permet d’avoir des nègres pour rien, espèces de voleurs !

— Madame ! s’écria-t-il, vous manquez au respect dû à ma robe !

— Votre robe, je vous la lèverai tout à l’heure par dessus la tête, malotru !

— Enfin, madame, vous avez des négresses enceintes, et qui ne sont pas mariées. Celle-ci, par exemple, ajouta-t-il en indiquant de la main le ventre bombé de la grosse ahurie.