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JOURNAL D’UNE DAME CRÉOLE


tant, avait volé son argenterie. D’ailleurs cette fille, dont la présence m’est un continuel remords, dont le sourire m’épouvante, je ne sais quelle sorcellerie me lie à elle, me rend sa perversité délicieuse. Cependant je lui ai crié d’une voix rude :

— Qui t’a appelée ?

Maîtress, mo tandé-li. Pa domi. Mo çatouillé li ? (Maîtresse, je t’ai entendue. Tu ne dormais pas. Veux-tu que je te chatouille ?)

Je l’ai vue agiter les longues ailes de perroquets dont elle vient me caresser le soir quand je ne dors pas.

— Non, non, ai-je murmuré tout bas.

Je ne voulais pas qu’elle me touchât ce soir.

Mais soit qu’elle ne m’écoutât pas, soit qu’elle voulût agir à sa fantaisie, elle étendit mes jambes que je lui abandonnai, et son bouquet de plumes courut par tout mon corps, me causant une impression de fraîcheur voluptueuse. Elle connaît bien les faiblesses de ma chair et s’égaie à les flatter. Malgré moi, j’approchais mes seins aux caresses des plumes, ou je dénudais mon ventre, ou bien encore, retournée, le visage couvert de ma chevelure dénouée, honteuse à peine, je lui offrais tous les secrets de mon corps ; et, sans fin, les ailes duveteuses, d’une touche lente, effleuraient ma peau, ou l’irritaient d’un coup brusque, pour la calmer presque aussitôt d’un baiser lascif et attardé aux creux, aux retraits frémissants de mon être. Elle choisissait comme à dessein les replis minces, qui ne défendent point contre le plaisir, les

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