Page:Rebell - Les nuits chaudes du cap français, 1900.djvu/48

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
46
LES NUITS CHAUDES DU CAP FRANÇAIS


siais pas de contempler cet épanouissement vaste, ni ces flexibles souplesses.

Alors j’ai ressenti ce que je n’avais jamais éprouvé pour elle, pour personne. Je l’ai vraiment aimée comme ma fille, avec une tendresse jalouse qui ne souffre point de partage. Montouroy m’a paru absurde, et mon désir de l’unir à cet enfant, plus absurde encore. Je me suis dit qu’il fallait garder pour moi des grâces si précieuses. Ne serait-ce pas un sacrilège de confier cette enfant naïve, délicate, à un homme que je connais en réalité si mal. Car enfin, qu’il soit mon parent, que je le croie un honnête garçon, je n’en ignore pas moins son véritable caractère. Les hommes savent si bien se déguiser jusqu’au mariage ! Je suis sûre seulement que c’est un brutal. Il suffit, pour s’en convaincre, de l’entendre marcher, de le voir prendre un objet quelconque avec ses grosses mains. Mon flair de femme ne s’y trompe pas. Et j’allais lui confier Antoinette ! Ne serait-elle pas infiniment malheureuse avec lui ? D’ailleurs ne serait-elle pas malheureuse avec tout homme ! Elle si jeune ; elle n’est pas en âge d’être sacrifiée.

Quelle plénitude de joie je ressens à la pensée que nous pourrons sans doute vivre ensemble, confondre nos existences et qu’ainsi une partie du mal que je lui ai fait autrefois sera réparé, puisque mon bien sera son bien, qu’elle vivra de sa, de ma fortune, comme je vivrai de son plaisir.

Dites, mon Dieu ! que vous le permettez !