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JOURNAL D’UNE DAME CRÉOLE


tude se révélaient à moi pour la première fois. Touchée d’une soumission si attentive, je continuai de la sorte :

— Mon enfant, je vous prie, ne vous fiez pas à une impression qui ne peut durer. Dès que vous connaîtrez M. de Montouroy, soyez-en sûre, vous l’estimerez. Il possède ces sérieuses qualités d’esprit sans lesquelles il n’est point d’homme ; il a la jeunesse, la race, la fortune, que demander de plus ? J’ai donc pensé, et justement je crois, que personne, mieux que lui, ne saurait vous rendre heureuse.

Je n’achevais pas, qu’Antoinette se cachait la tête dans l’oreiller et éclatait en sanglots. Je voulus la prendre contre moi et essuyer ses larmes, mais elle se refusait à mes consolations et gémissait plus fort, la face collée contre son lit. Lorsque j’essayais de l’attirer, elle me repoussait avec violence.

L’écrirai-je ? Au milieu des larmes qui donnaient à son teint plus de lustre et de chaleur, elle était si belle, que je m’en voulais de mes propositions, tout en bénissant le chagrin qui me l’avait découverte. Je la regardais : elle était déjà femme par les proportions de son corps, et pourtant elle conservait dans son visage gras, où les traits se dessinaient à peine, le charme d’enveloppement et la splendeur pulpeuse de l’enfance. La chair, dans sa blanche nudité ou sous les plis de la chemise, formait des courbes audacieuses, ou s’effaçait en des lignes d’une mollesse et d’une modestie adorables. Pour moi je ne me rassa-