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JOURNAL D’UNE DAME CRÉOLE


dement et puis, au milieu de ma peine, j’ai ri, parce que ma chemise, dans les mouvements que j’avais faits, s’était un peu trop troussée et que Montouroy, en entrant, avait dû découvrir une drôle de figure.

— Vous me devez un cierge, Rose, m’a-t-il dit. (Il est familier avec moi à la façon des Espagnols, et puis nous sommes un peu parents.)

— Pour m’avoir surprise au lit ?

— Pour vous avoir empêchée de brûler. Sans moi vous flambiez comme un champ de cannes. Le bas de vos rideaux était déjà en feu.

Je vis en effet le bord du moustiquaire tout noirci et rongé. Je tremblai à l’idée du danger que je venais de courir, et puis je riais de ma frayeur, parce qu’à présent j’étais en sûreté.

— Vous ne vous aperceviez de rien ?

— Non. Je sentais bien un peu le roussi ; seulement dans mon rêve je me croyais en enfer : c’était de circonstance. Mais, comment étiez-vous encore ici ?

— Je suis resté pour elle, Rose. (Ici sa voix est devenue grave comme pour un reproche) Ne vous souvenez-vous plus de votre promesse ? Ne devriez-vous pas lui parler ce soir ?

Il venait aussitôt de me rappeler, sans qu’il s’en doutât, l’opprobre de mon existence, en me parlant de cette jeune fille qu’un crime a conduite chez moi et à laquelle j’ai pris tout son luxe, tout son bien-être, toute sa liberté !…

Ah ! qu’ai-je écrit ? Moi, qui passe pour la plus pieuse, la plus charitable des femmes ! Tant pis,